Un parcours tiré par les chevaux

S'installer quand on est jeune tient souvent de la gageure. Mais quand on est jeune, de sexe féminin, non issue du milieu agricole et porteuse d'un projet hors norme, c'est quasi mission impossible. A moins d'avoir un drôle de carafon et... au moins « cinq générations réglementaires au cimetière », comme le revendique avec humour Mélanie Baras, 31 ans, gérante du Haras du Vercors, à Villars-de-Lans. Après un début de carrière comme chargée des opérations commerciales dans un grand groupe, la jeune femme a décidé de changer de métier. Elle a racheté le haras, alors en vente, avec une idée en tête : produire du lait de jument en label bio.
En professionnelle aguerrie, Mélanie mûrit longuement son projet avant de se lancer dans l'aventure. Elle connaît bien le territoire et prend la précaution de s'entourer professionnels compétents (notaire, comptable, avocat...) pour monter son dossier. « Mais ce qui m'a vraiment aidé, c'est d'avoir anticipé les multiples aspects du projet, explique-t-elle. Il faut prendre des hypothèses, coucher des chiffres sur le papier, réfléchir à la production, au mode de vie que l'on veut avoir... C'est important quand, par la suite, on rencontre des interlocuteurs : on est plus crédible. »
Mais ça ne suffit pas forcément. Car la vertacomicorienne se heurte très vite à un double handicap : son jeune âge et le fait qu'elle soit femme : « Quand on se présente à la profession, on sent les regards goguenards... » A cela s'ajoute l'incrédulité à l'évocation d'une production innovante. Du lait de jument bio pour l'alimentation des bébés et la cosmétique de soin ? « Quand on parle de ça, on voit tout de suite un gros point d'interrogation se former au-dessus des têtes... et des institutions, s'amuse Mélanie Baras. Il a fallu que je trouve moi-même des tas d'infos. Et pour m'installer, j'ai dû faire un mois de stage en production caprine. Cherchez le rapport : sans doute à cause des deux pis... Quand on dit qu'on veut que l'agriculture se modernise, il y a encore des montagnes à déplacer ! »
Autre problème de taille : la question foncière. « Le terrain a été vite trouvé, mais il a fallu négocier avec plusieurs propriétaires. Certains changeaient d'avis, parfois les familles n'étaient pas d'accord entre elles... Le jour de la signature, j'avais sept chevaux et cinq hectares en moins ! » Trois ans et quelques sueurs froides plus tard, le résultat est là : un haras d'une quarantaine de chevaux, 18 hectares de terrain, un atelier de production de lait de jument et six emplois. Pour Mélanie Baras, si c'était à refaire, elle le referait. Mais sans doute différemment. Car son parcours d'installation a pris trop souvent des allures parcours d'obstacle. Rien que de très normal, sans doute, en milieu équestre...