Un retour de valeur aux producteurs est indispensable

Les États généraux de l'alimentation viennent de débuter. Qu'attendez-vous concrètement des présidents d'ateliers, et du coordinateur Olivier Allain ?
Stéphane Travert : « Les présidents d'ateliersn'ont pas été choisis par hasard. Le choix a été le résultat d'un long travail collectif, interministériel. Les présidents d'ateliers sont là pour animer et guider les débats. Nous attendons d'eux qu'ils mettent cette expérience au service de la prospective, qu'ils fassent ressortir les meilleures propositions, qu'ils les évaluent, les affinent. Quant aux coordinateurs coordinateurs, ils vont être deux et vont travailler en binôme car j'ai sollicité Célia de Lavergne, députée de la Drôme, qui a accepté. Les deux coordinateurs doivent veiller à une forme de cohérence et faire le lien entre les différents ateliers. Et ils me rendent compte de l'avancement d'ensemble. Les premiers retours que j'ai reçus des participants et des présidents, sur la tenue des premières réunions, sont plutôt positifs. »
Une des positions communes à la FCD, l'Ania et la FNSEA, c'est de demander que les prix des produits alimentaires, dans leur ensemble, remontent.
De votre côté, vous parlez à la fois de retrouver de la valeur et de prêter attention aux revenus des plus modestes. Comment concilier les deux positions ?
S.T. : « Nous ne sommes pas dans une économie administrée, donc je ne suis pas là pour fixer des prix, il y a le marché. Nous sommes dans un régime de concurrence libre et non faussée, nous pouvons le regretter mais c'est comme cela. Nous sommes dans une Europe qui porte une logique très libérale. Il ne faut pas nécessairement augmenter les prix, mais il faut écouter la demande sociale et pouvoir s'ajuster. La course aux prix le plus bas a pu entraîner un abaissement de la qualité, allant parfois même jusqu'à la malbouffe. Nous avons besoin d'éduquer les jeunes générations au goût, leur apprendre à consommer les produits de saison, éviter le gaspillage alimentaire. »
Peut-on s'attendre à une loi d'orientation agricole à l'issue des États généraux de l'alimentation ?
S.T. : « Je ne veux rien m'interdire. Nous avons une palette d'outils : le réglementaire ; le passage par la voie législative et si nécessaire par les ordonnances. Je veux inscrire le plan de transformation agricole dans le temps long, celui du quinquennat. On ne peut pas me demander de faire en deux mois et demi ce qui doit logiquement prendre plusieurs années. »
Lors des entretiens du président de la République avec les responsables professionnels, il s'est dit très intéressé par un système d'aides contracycliques. Êtes-vous sur la même position ?
S.T. : « Le président s'est exprimé sur la nécessité d'une Europe qui protège avec une PAC qui permette de lutter contre la volatilité des prix agricoles. Il faut réfléchir à la mise en place de filets de sécurité.
Les États généraux de l'alimentation permettront d'avancer en parallèle sur cette réflexion pour la prochaine PAC qui doit notamment permettre de renforcer les outils de prévention des risques. C'est éminemment important. Ainsi, les aides de l'État, plutôt que de servir à payer de la dette sociale, en prenant par exemple en charge l'étalement du paiement des cotisations sociales des agriculteurs, seraient beaucoup plus utiles si elles servaient à sortir de la difficulté dans laquelle la filière se trouve, à l'aider à se moderniser et à conquérir de nouveaux marchés. »
Quel bilan dressez-vous de l'action de votre prédécesseur, le socialiste Stéphane Le Foll ?
S.T. : « Le concept d'agroécologie, c'est une agriculture proche des citoyens, des consommateurs, qui se veut respectueuse des agriculteurs et de l'environnement mais qui soit aussi source de performance et de compétitivité pour les agriculteurs. Je m'inscris dans cette durabilité, mais je ne ferai pas un copier-coller des cinq dernières années. Je souhaite y apporter des éléments de pragmatisme, ne pas brusquer les choses, aider les agriculteurs à gérer les transitions dans le temps long. Car si l'on veut transformer les modèles, nous avons besoin de donner aux agriculteurs du temps et de la stabilité. J'ai l'ambition de développer nos modèles agricoles de façon la plus harmonieuse possible. Je ne veux pas opposer les modèles agricoles. »
Propos recueillis par Nicole Ouvrard,
Mathieu Robert et Cyril Bonnel
Pour aller plus loin et participer au débat, les agriculteurs de l'Isère ont lancé une enquête :