Une coopérative numérique au service de la performance agricole

La plateforme Farmleap de partage de données techniques agricoles sera officiellement lancée lors du prochain salon de l'agriculture à Paris, fin février.
Le projet est porté par trois associés isérois convaincus que le cofarming, c'est-à-dire le partage numérique de données agricoles, est de nature à redonner de la compétitivité aux exploitations.
« Nous sommes proches d'un système de coopérative numérique », affirme Anaël Bibard, ingénieur agro, conseiller Cerfrance Isère et président de la start-up. Il est associé avec Yannick Pages, gérant de Data pro solutions à Voiron et Maxime Rigot, docteur en biologie et permanent de la structure.
Le principe de la plateforme, qui est plus particulièrement dédiée aux grandes cultures, est de faire terreau de l'intelligence collective.
« C'est un outil pour créer une nouvelle valeur », déclare son fondateur qui se réclame du « premier Ceta numérique ». Les centres d'étude technique agricole sont en effet des associations d'agriculteurs à vocation d'améliorer les performances de production grâce à un appui technique.
Leviers de performance
Ce nouvel outil doit permettre aux utilisateurs de comparer leurs pratiques, de progresser sur la base d'analyses, de décider en fonction d'informations qualifiées.
Il propose plusieurs fonctionnalités : traitements phytosanitaires, bilan et analyses de performance, planification des tâches, plan de fumure, météo et irrigation, suivi parcellaire, stocks et frais de mécanisation. C'est aussi une agora pour les groupes d'échanges et de travail.
A partir d'outils de modélisation, la plateforme sera en mesure d'apporter une valorisation des données agricoles.
« Notre agriculture a encore du mal à identifier les leviers de la performance économique et technique », reprend Anaël Bibard, qui a fait de cette question le thème de son MBA*.
Ce partage de données terrain peut favoriser un suivi de l'itinéraire technique et cultural à la parcelle.
Cette offre de services indépendante est calquée sur le modèle américain de Farmers business network (FBN) lancée en 2015. Le principe : « Farmers help farmers* », déclare un cultivateur nord-américain.
La plateforme américaine réunit déjà plusieurs milliers d'exploitants. « Cela nous a poussés à accélérer le projet Farmleap », indique l'entrepreneur de l'autre côté de l'Atlantique.
Comité d'éthique
Pour rassurer les utilisateurs, le projet s'appuie sur des valeurs fortes. Farmleap revendique son indépendance et observe une tendance de fond qui est celle du « conseil choisi ».
La plateforme fait aussi le pari de la simplicité dans le partage de l'information.
Enfin, pas de partage de données sans éthique. Pas question que les informations circulent sur la toile sans être sécurisées. Un comité d'éthique, présidé par l'agro-économiste Jean-Marie Séronie veillera au respect de la liberté informatique de chaque contributeur.
« Les groupes de discussion se déclineront sur plusieurs niveaux », indique Anaël Bibard.
Ouverts, les données partagées seront anonymes ; fermés, il s'agira pour les participants d'échanger des micros données autour d'une réflexion en vue de co-construire de nouvelles références.
Farmleap entend également introduire dans les analyses de nouveaux indicateurs, pour un pilotage plus fin (météo, charges de mécanisation, variétés de semences etc.).
La plateforme est aussi ouverte aux autres acteurs du web. Elle s'est déjà rapprochée d'Agrifind et de ses experts.
Ce « carrefour de valeurs et d'échanges peut aussi agréger des logiciels existants, des outils d'aide à la décision, des comparateurs agricoles, des coopératives ou favoriser leur mise en relation », poursuit le fondateur.
Lancement au Sima
La start-up Farmleap est incubée à Grenoble école de management (GEM).
Son modèle économique repose sur la participation financière des agriculteurs. « Quelques centaines d'euros pour avoir accès à l'intelligence collective et aux outils d'aide la décision », mentionne Anaël Bibard. La référence à FBN, laisse à penser que le droit d'entrée serait autour de 500 euros.
L'objectif est d'atteindre entre 3 et 500 adhérents d'ici deux ans. Le créateur estime que « le potentiel est de 3 700 agriculteurs prêts pour ce type d'outil numérique ».
Il cible les exploitations agricoles de plus de 150 hectares.
Tout va se jouer dans les semaines à venir. Le lancement de la plateforme au Sima sera déterminant pour son décollage.
Si les trois associés veulent flirter avec le million d'euros de chiffre d'affaires d'ici cinq ans, il faudra pouvoir lever des fonds rapidement pour recruter des collaborateurs et développer le site.
Isabelle Doucet
* Les fermiers aident les fermiers
** Master of business administration