Une Pac davantage redistributive

La réforme de la politique agricole commune (Pac) est dans la continuité du bilan de santé réalisé en 2006, avec une petite marche arrière : le découplage (les aides ne sont pas liées à une production) reste le principe de base, mais le couplage est renforcé, notamment pour soutenir l'élevage et le développement de la production de protéines. Le système à deux piliers, avec le premier pilier qui aide les filières et le revenu des agriculteurs et le deuxième pilier en faveur du développement rural, est conservé. Contrairement à d'autres pays européens, la France a fait le choix d'augmenter de 10 % les crédits du second pilier. Les crédits du premier pilier pour les aides directes aux agriculteurs baisseront quant à eux de 4 % par rapport à 2013. Concrètement, cela va se traduire par :
- le maintien des aides à l'installation ;
- la revalorisation de l'ICHN ;
- la fin de la prime herbagère agro-environnementale (PHAE) avec la création de mesures agro-environnementale (MAE) système herbager ou son transfert dans l'ICHN ;
- un budget PMBE doublé par rapport à la période actuelle ;
- la rénovation des outils de gestions des risques (assurance récolte, fond sanitaire...).
Point à noter : le 2ème pilier sera géré par les Régions et non plus par l'Etat. La DJA, l'ICHN, l'agriculture biologique et les mesures agro-environnementales (MAE) feront l'objet d'un cadrage national, alors que d'autres mesures seront définies à l'échelon régional. Dans tous les cas, les Régions auront une grande latitude pour la mise en place des mesures dans leur territoire.
Convergence
Il y a une volonté d'effacer la référence historique de 1992 pour l'attribution des primes. C'est ce qu'on appelle la convergence. Les chefs d'Etats des pays de l'Union européenne ont décidé de rapprocher de la moyenne les aides du premier pilier. Ce dispositif s'appliquera de façon progressive entre 2015 et 2019 à deux niveaux :
- au niveau des Etats : les pays les mieux dotés vont voir leur enveloppe budgétaire du premier pilier se réduire au profit des pays les moins bien dotés. L'enveloppe de la France va être ainsi réduite d'environ 2 % ;
- au niveau de chaque agriculteur au sein de chaque Etat. L'objectif en France est que les paiements de base les plus faibles soient revalorisés à hauteur de 70 % de la moyenne française. Cette revalorisation se fera en réduisant les paiements de base des exploitations les mieux dotées.
Cinq étages
Aujourd'hui, les agriculteurs ont des droits à paiement unique (DPU) qui sont des aides découplées, auxquels s'ajoutent pour certain des aides couplées (PMTVA, prime à la brebis ou à la chèvre...). Demain, on oublie les DPU. On aura un système à cinq étages :
- un paiement de base. Renommé droit de paiement de base (DPB), il fonctionnera sur le même principe que les DPU, avec application de la convergence partielle ;
- un paiement vert ou écologique : son versement sera soumis au respect de la diversité des cultures, le maintien des prairies permanentes et la part de surface d'intérêt écologiques. Son montant sera proportionnel aux paiements de base de l'exploitation ;
- Le paiement redistributif : une surprime pour les 52 premiers hectare, avec application de la transparence pour les Gaec ;
- Une aide au revenu des jeunes agriculteurs basée sur la majoration des DPB les cinq premières années de l'installation, indépendamment des aides à l'installation ;
- Des aides couplées orientées principalement vers l'élevage : élevage bovins allaitants, ovins et caprins comme aujourd'hui mais également vers les vaches laitières et l'engraissement des bovins. Une aide à l'autonomie en protéine sera également créée.
Pour les aides du second pilier, quatre points sont à retenir :
- la revalorisation de l'ICHN de 15 % dès 2014, et un plafond qui passe de 50 à 75 ha en 2015 ;
- la disparition de la PHAE en 2015. Elle sera intégrée dans l'ICHN à hauteur de 70 €/ha. Les éleveurs laitiers hors zone défavorisée pourront bénéficier d'une Mesure agri-environnementales climatiques spécifique (MAEC) ;
- La mise en place de MAEC orientées par exemple vers les systèmes de production « grandes cultures », « polyculture- élevage » ou systèmes « pastoraux et herbagers extensifs ».
- La volonté affichée de consacrer 200 millions € par an pour un plan de modernisation des élevages avec un fonds alimenté par l'Union européenne, l'Etat et les collectivités.
Tous les arbitrages nationaux n'étant pas fait à ce stade, les résultats des simulations faites par le réseau des chambres d'agriculture en Rhône-Alpes ne sont qu'approximatifs. Les tendances suivantes se dégagent : une diminution des aides « DPU » pour les systèmes céréaliers et élevage en plaine, notamment sur des systèmes intensifs. Un impact plus favorable pour les systèmes herbagers que ce soit en bovins, caprins ou ovins. En zone de montagne, la fin de la PHAE pourrait n'être que partiellement compensée par l'ICHN dans certains systèmes très extensifs.
Gilles Testaniere, chambre d'agriculture de l'Isère
Calendrier
Novembre ? Décembre 2013 : négociations en cours entre la Profession et le Ministère pour définir les modalités pratiques d'application de la réforme (taux, seuils, dégressivité...).Mai 2014 : déclaration Pac selon le schéma actuel mais avec le nouveau budget (réduction de l'enveloppe du 1er pilier de 4 % par rapport à 2013 et augmentation du budget du second pilier).Mai 2015 : déclaration Pac selon le nouveau schéma.