Une transition délicate pour les ruchers

Les apiculteurs ont au moins deux problèmes : apporter une alimentation adéquate à leurs abeilles quand il le faut, et le varroa, ce parasite désormais inexpugnable des cheptels. C'est ce que les participants à la journée technique du groupement de défense sanitaire apicole (GDSA) de l'Isère ont pu étudier début mars.
Jean Riondet, apiculteur et formateur dans le Rhône, est venu faire part de son expérience. « Il y a deux grandes périodes de nourrissage de l'abeille : entre la récolte et fin septembre pour préparer l'hivernage, puis la morte saison au cours de l'hiver ». Mais cela peut être nécessaire dès le mois de décembre dans la vallée du Rhône, alors que cela ne devrait pas intervenir avant février dans les vallées alpines. Car tout est question de calendrier. Un apport trop précoce peut faire démarrer le couvain, notamment les hivers doux comme cette année. Un coup de froid tardif provoque alors un décalage avec les premières entrées de pollen et donc un déséquilibre entre besoin de la colonie et potentiel de son environnement. La transition entre la population d'hiver et celle de la nouvelle saison est alors déséquilibrée. Le spécialiste conseille un apport de candi protéiné, une substance qui donne le coup de fouet nécessaire aux abeilles pour être résistantes aux diverses agressions sanitaires dont elles peuvent faire l'objet (virus). Mais cette préparation est introuvable dans le commerce. Il faut donc le fabriquer ce qui n'est pas à la portée du premier venu. Notamment, parce que le sucre glace doit être exempt d'amidon, car les abeilles ne l'assimilent pas. Les protéines peuvent provenir de levures lyophilisées. Cependant, les effets de cet apport de protéines sont incertains. « Ils pourraient représenter l'équivalent d'un cadre de couvain supplémentaire durant la saison de floraison », avance prudemment Jean Riondet. « Le nourrissage est souvent nécessaire pour assurer la jonction entre les saisons d'hiver et de printemps, mais dès que la colonie se développe, il est nécessaire de d'augmenter régulièrement cet apport extérieur de nourriture », estime Bernard Verneyre, président du syndicat apicole dauphinois.
Ne pas favoriser le varroa
Nourrir pour maintenir la population est bénéfique mais sur-nourrir et permettre le développement du couvain, pas forcément car il peut provoquer l'explosion de la population de varroas. « Il faut lutter contre le varroa en continu, tout au long de la saison », préconise Jean Riondet. Et là, une combinaison de méthodes est à la disposition des apiculteurs. La plus naturelle, d'actualité, est le piégeage par culture de couvain de mâles. Une hausse vide doit être posée dès les mois de mars ou avril sous le corps de ruche afin de donner de la place aux abeilles. Elles vont construire des demi-lunes de cellules sous le corps. Et la plupart du temps, ce couvain sera de mâles. Donc à détruire sans vergogne, la femelle varroa ayant une attirance particulière pour s'y reproduire.
Décapage acide
Autre méthode douce : l'arrêt de ponte en cours d'hiver. Cela freine considérablement le développement des varroas, mais un hiver comme 2015-2016 n'a quelquefois pas provoqué cet arrêt. « Le printemps et l'été vont être terribles », prévient Jean Riondet. L'absence de couvain permet un traitement à l'acide oxalique, assez facile à réaliser, mais comme tout acide, il attaque la chitine des abeilles. Ce n'est pas grave pour les ouvrières qui sont vouées à une mort certaine quelques semaines après. La reine est également attaquée. Jean Riondet estime qu'elle ne peut supporter qu'un passage d'acide oxalique. Si elle en connaît deux (donc deux hivers) il est impératif de prévoir son changement au printemps suivant, car elle sera devenue trop fragile.
Jean-Marc Emprin