Viandes agropastorales : les éleveurs joue la carte du local

Etre ou ne pas être... en alpage ? C'est l'une des questions soulevées par les éleveurs ovins, lors de l'assemblée générale de l'Association des viandes agro-pastorale du printemps 2018. Et non des moindres car, pour le collectif, l'agneau d'alpage est un « produit phare », voire un « produit d'appel ».
Le problème, c'est que les alpagistes sont de moins en moins nombreux à emmener les agneaux en estive. « Jusqu'à maintenant, on montait tout le troupeau mais, cette année, on a considérablement réduit à cause de la prédation », déclare Pascal Ravix, éleveur à Lans-en-Vercors, en mai 2018. Pour que l'association puisse s'étoffer, il a donc fallu s'ouvrir à d'autres modes de production et développer une nouvelle offre : l'« agneau de nos fermes ». C'est lui qui a attiré autant de monde à l'AG ce jour-là. « Je suis venu pour prendre connaissance du cahier des charges et adhérer à l'association si ça me correspond », reconnaît un éleveur du Trièves, en recherche de débouchés pour son troupeau de 250 brebis.
Cahier des charges
Pour l'agneau fermier, le cahier des charges est sensiblement le même que pour l'agneau d'alpage, mais les critères sont plus larges. La bête peut naître sur l'exploitation tout au long de l'année (et non plus seulement de mars à mai) et recevoir une alimentation constituée de lait maternel, d'herbe et de « produits de la ferme ». Reste à savoir lesquels. « Dans le cahier des charges, il est précisé que l'allaitement artificiel et l'ensilage sont interdits, rappelle Roland Bouvier, éleveur à Marcollin et président de l'association. Quant à l'alimentation, elle doit être à base de céréales et de protéines non OGM, à condition que ça ne dépasse pas 20%. » Le débat se focalise rapidement sur le travail à façon (TAF). « Si on exclut le TAF de l'alimentation, où va-t-on trouver les agneaux ? s'interroge le responsable. Moi par exemple, je ne stocke pas mes céréales, je les mets à la coopérative et j'en reprends quand j'en ai besoin. Mais quand j'en prends, ce ne sont pas mes propres céréales... » Pour Philippe Veyron, il vaut mieux être prudent et « ne pas se mettre des bâtons dans les roues. TAF ou pas, ce sont des céréales. L'essentiel, c'est que la viande soit bonne ! » Le recours au TAF est adjugé à l'unanimité.
Différenciation
Sont ensuite abordées les questions de la reproduction (« seule la lutte naturelle est autorisée »), du sanitaire (pas de traitement systématique) et du transport (« limité à trois heures, entre chez nous et l'abattoir », précise Roland Bouvier). Une éleveuse de Savoie en profite pour interpeller ses collègues sur la problématique de la différenciation. « Pour se distinguer de l'agneau de l'Adret, ne pourrait-on pas indiquer un nombre de mètres carré par agneau ? » Le propos fait mouche.
Les représentants du Département présentent dans la foulée la marque Is(h)ere, précisant que les agneaux, qu'ils soient « d'alpage » ou « de nos fermes », viennent d'être agréés et qu'à ce titre, ils bénéficieront des campagnes de promotion orchestrées par le Département. « Avec votre cahier des charges, vous êtes en avance sur d'autres filières, ajoute Jean-Louis Gouttel, directeur-adjoint de la chambre d'agriculture de l'Isère. Il y a une grosse attente du côté des consommateurs. »
Communiquer sur le local
Certes, mais ceux-ci doivent aussi comprendre immédiatement de quel agneau il s'agit et d'où provient la marchandise, prévient Jean-Marc Vallet, le technicien mis à disposition par la chambre consulaire pour accompagner les démarches commerciales de l'association. « Il faut communiquer sur le local, sur le territoire, conseille-t-il. Viandes agro-pastorales, dans l'esprit des gens, ça ne veut pas dire grand chose. Les consommateurs ont besoin de précision. »
Philippe Veyron, éleveur à Sardieu, insiste pour sa part sur la question de la qualité et la responsabilité propre à chaque éleveur : « A nous d'être compétents dans le choix de nos animaux. Les bouchers recherchent des carcasses régulières, homogènes, pas grasses. Il faut que les éleveurs s'investissent dans un travail sérieux. » Pour défendre leur métier et justifier leurs prix de vente.
Marianne Boilève